Je me présente brièvement. Je suis Ludovic Bornand, 42 ans, Psychologue clinicien, psychanalyste, membre de la New Lacanian School et de l’Association Mondiale de Psychanalyse. Je travaille un temps en pratique libérale à Genève et un temps à MALATAVIE (HUG- Children Action) en tant que psychologue responsable du pôle de Prévention du suicide. La prévention accueille et oriente les adolescents et jeunes adultes de 12 à 25 ans. Nous sommes une équipe de 3 psychologues et travaillons en lien étroit avec les pôles ambulatoire et hospitalier. La prévention c’est également une répondance téléphonique 24h/24 et 7j/7 appelée Ligne Ados pour les jeunes, l’entourage familial et professionnel. Nous répondons également aux mails et proposons des entretiens d’accueil et d’orientation qui nous permettent d’évaluer le risque suicidaire mais surtout de donner le goût à la parole et à la question permettant des ouvertures là où le sentiment prédominant est celui de l’impasse. Dans ce cadre de l’hôpital je suis également responsable de la coordination du collectif aiRe d’ados qui regroupe une soixantaine d’institutions genevoises autour de la question de la Prévention du Suicide et dont j’aimerai vous parler lors de la journée du 19 février 2021 à Saint-Denis. Prévention du suicide en réseau : souffrir du souci à plusieurs Au sein de la clinique contemporaine, il est juste de dire que l’adolescent n’exprime pas toujours de manière directe, formulée, son mal-être. De plus en plus, il l’exprime en acte, en repli ou alors de manière éphémère avant de se rétracter. Souvent, à l’adolescence, le sujet préfère ne pas parler de cette souffrance, ne pas s’en soucier. Il ne veut d’ailleurs pas particulièrement sans défaire. C’est alors souvent l’entourage, la famille qui s’en inquiète. D’où, l’importance du réseau. Mais alors, la question suivante est celle de la nécessité d’un passage du réseau à un collectif tel que celui d’aiRe d’ados. Malgré une souffrance perceptible par l’entourage, il est fréquent que ces jeunes ne formulent aucune demande d’aide pour et par eux-mêmes. C’est avec ces situations inquiétantes de jeunes désarrimés que quelque chose était à inventer et que résonne pour moi le riche dispositif d’aiRe d’ados. 3 groupes, une cellule de coordination, 49 membres et 61 institutions partenaires : une aire santé-social pour entendre, accueillir là où la demande du jeune est parfois informulable. Informulable certes, mais elle peut prendre des chemins détournés : elle peut se lire à partir d’actes étranges, d’inhibition, de refus, d’impasses, d’isolement…. Des chemins détournés mais qui restent des modalités d’appel. Reste à les saisir, les entendre et se retrouver à plusieurs, organiser des rencontres, permet de le faire tout en en soutenant la complexité. Des modalités d’appels dont la complexité peut faire également vivre au professionnel un sentiment d’impasse. Ainsi, ce dispositif à plusieurs propose ou renforce un filet de sécurité afin de saisir le jeune dans son errance, là, où parfois, il ne veut rien savoir. Des rencontres aussi entre professionnels et un filet de sécurité aux mailles présentes mais pas trop serrées. Un écart qui laisse la parole au jeune, la place à ses solutions, ses inventions. Mais des mailles tout de même qui se présentent comme des repères de par une présence incarnée et permet ainsi une multitude de rencontres. Le problème se présente lorsque la douleur de vivre les dépasse et qu’au sein d’un déchainement de souffrance, ils ne s’adressent plus à personne. L’adolescent est alors poussé à accomplir une contrainte interne, le plus souvent autodestructrice et rompt le lien avec les autres : c’est l’impasse. C’est bien là l’inquiétude, car la tentation du suicide est liée au fait que ce qui fait problème dans la vie d’un adolescent, c’est que la vie ne lui parle pas ou lui parle mal. Face à ces inquiétudes, d’autant plus fortes que le jeune est dans l’impasse et avec des idées noires, il est important pour les professionnels de ne pas se trouver seul et que l’inquiétude laisse la place à l’angoisse. Parler à plusieurs, professionnels, famille, jeune, permet de passer de l’inquiétude au souci, et ainsi d’écouter le mieux possible afin que le mal-être puisse être entendu.